On racontait sur cette maison une légende. Comme quoi une folle y aurait tué sa famille. Comme ce qu'on m'avait dit de ma soeur. Je ne sais pas pourquoi j'y allais. En plus, il y avait déjà eu un meurtre là-bas, il y a quelques semaines. Je ne connaissais pas la fille en question, mais sa mort avait été affreuse. Pourquoi j'y allais? Je ne sais pas. Mais je sentais que je devais y aller. Je ne savais pas pourquoi. Peut-être que je tenais à me faire évider de mes boyaux, comme l'autre fille. On raconte qu'on a même retrouvé son estomac dans un placard, alors que le meurtre a eu lieu dans l'entrée.
"Si je devais mourir ce soir, est-ce qu'on me regrettera?"
C'est la pensée qui m'est venue pendant que je me changeais. J'enfilais un slim noir, un pull noir et ma veste en cuir noir. Des vêtements simples et discrets, mais un minimum élégants. Si je mourrais, au moins, je serai un minimum jolie. Je pris même la peine de me coiffer et de nouer un ruban noir dans mes cheveux. Et alors, sans aucun regret, je sortis.
Je marchais dans le noir vers cette maison. Cette maison si mystérieuse. Je longeai le cimetière. Au milieu des anciennes tombes, il y en avait une de marbre blanc, immaculée, toute neuve et brillante. La tombe de Kila. À moins qu'elle s'appelle Kelly? Je ne savais plus. Je m'en voulais, de ne même pas connaître son nom, mais après tout, je ne lui avais jamais parlé. Quand on m'a appris la nouvelle, je ne savais même pas de qui on me parlait. À l'enterrement, qui a eu lieu dans la chapelle, il y avait sa photo. Elle était brune aux cheveux courts, avec des yeux gris acier. Sur la photo, elle souriait. Mais son sourire sonnait faux. Peut-être était elle malheureuse. Peut-être voulait elle mourir. Peut-être. Je n'en savais rien. Elle n'avait pas de famille, personne ne l'a réclamée. J'avais de la peine pour elle, peut-être parce que je vivais la même chose.
J'avais dépassé le cimetière. La sombre maison se rapprochait. Je sentais mon coeur s'emballer. Pourquoi? J'avais peur? Peur de mourir? C'était risible. J'avais déjà défiée une fois. Et au pire, si je mourais? Ça ferait comme à cette pauvre fille. Personne ne souffrirait. Personne ne me regrettait. On m'oublierait, on ne saurait même pas mon nom. Et c'était très bien ainsi. J'étais libre de faire ce que je voulais sans faire du mal aux gens. Un sourire se dessina sur mon visage.
J'étais tout près du but. Encore quelques pas et j'y étais. Soudain, j'entendis des bruits de pas derrière moi. On me suivait. Je continuais d'avancer tremblante. Mon coeur battait plus vite encore. Je marmonnai.
"Qui es-tu?"
J'entendis un gloussement. Je dit plus fort, d'une voix que j'espérais assurée.
"Pourquoi tu me suis?"
Ma voix était brisée. Alors je compris. Je ne faisais qu'essayer de m'assurer de mensonges. En réalité, j'avais peur de mourir. Je me voilais la face depuis le début.
