Un anniversaire oublié

Rappel du premier message :

Kuro venait de rentrer dans son dortoir réservé aux membres des Bloody. Il avait passé une longue journée agaçante à éviter toujours plus d'élèves. En cette journée d'octobre, le vent avait beaucoup soufflé obligeant les élèves à rester dans les bâtiments, ce qui faisait d'autant plus de monde qui trainait dans les couloirs. Trop de monde. Kuro allait haïr les prochaines semaines où le temps allait se dégrader jusqu'à ce qu'il neige et que les couloirs se videraient de nouveau des élèves qui iraient s'amuser dans la neige tandis que lui pourrait marcher tranquillement à lire ses livres. Des livres. Il venait justement d'en déposer un sur son lit. Mais il ne savait pas s'il allait vraiment le lire finalement. Il était épuisé. Ce livre il pourrait toujours le lire demain. Il n'avait pas beaucoup de cours. Il pourrait même retourner à la bibliothèque et en emprunter de nouveaux. Kuro poussa un petit soupir et alla dans la salle de bain pour se changer. alors qu'il se déshabillait il regarda son visage dans la glace. Effectivement les cernes sous ses yeux exprimaient bien sa fatigue. Il n'irait pas coucher tard ce soir. Il continua d'examiner son visage un instant. Ce visage triste, sans expression, sans sourire. Sourire...en parlant de sourire il se rappelait maintenant avoir croisé plusieurs fois Louna dans les couloirs ce jour même. Mais il y avait eu quelque chose de bizarre, elle avait eu d'étranges expressions, fait d'étranges sourires. Kuro n'avait pas compris. Enfin, ce n'était pas la première fois qu'il ne comprenait pas les sentiments de Louna. Il enfila son pyjama puis se brossa les dents avant de retourner près de son lit.  Alors qu'il allait se glisser sous les draps il entendit un cliquetis métallique. Quelqu'un tournait la poignée de la porte derrière lui. Qui cela pouvait-il bien être à cette heure ? Kuro resta sur ses gardes attendant que la porte s'ouvre. Il ne voulait pas être dérangé, surtout dans sa chambre.

L'esprit de Kuro divaguait doucement, bercé par la chaleur des bras de Louna et la douce musique de son cœur. Son odeur éveilla son imagination et bientôt, Kuro se retrouva allongé dans un champ de fleurs, regardant le ciel d'azur au loin. Un léger vent agitait les tiges autour de lui et un parfum envoutant se dégageait des pétales aux couleurs pastel. Il faisait beau. Le soleil brillait haut dans le ciel. C'était une belle journée de printemps. Kuro se plaisait à rester là, sur le sol chaud, à admirer le paysage. Lorsque soudain, il sentit comme une présence. Il se releva la tête pour voir par-dessus les fleurs et aperçut au loin une silhouette. Elle portait une longue robe bleue dont les plis ondulaient sous la brise et ses longs cheveux roux virevoltaient dans les airs. Kuro intrigué se leva et s'approcha de la silhouette. Lorsqu'il arriva à quelques pas d'elle, elle se tourna légèrement vers lui. Ses mèches cachaient son visage mais Kuro y aperçu cependant un tendre sourire, pour lui. Puis soudain la jeune fille s'éloigna de nouveau en sautillant d'un petit pas joyeux, sa robe donnant l'impression qu'elle volait comme un papillon, et Kuro ne sachant pourquoi la suivit. Il voulait savoir où elle allait et qui elle était, pourquoi elle souriait ainsi ? Elle relevait tant de mystère, Kuro se sentait inlassablement attiré vers elle, comme si elle était une énigme à résoudre. Il la suivait sans flancher, marchant dans ses pas, jusqu'à ce que la jeune fille passe une bute et disparaisse derrière cette petite montagne de verdure. Kuro grimpa plus difficilement qu'elle et lorsqu'il arriva en haut il découvrit alors une immense crique où les vagues venaient se jeter sur une grande plage de sable fin. L'endroit était vraiment magnifique et Kuro se perdit quelques instants dans la contemplation de ce paysage splendide. Cependant il reprit vite ses esprits lorsqu'il remarqua que la jeune fille avait disparu. Il la chercha du regard, mais ne la vit point. Il décida alors de descendre sur la plage pour la chercher. Lorsque ses pieds marchèrent sur le sable mouillé, Kuro ne pu s'empêcher de repenser à quelque chose, disons que cet endroit lui paraissait familier. Il lui inspirait...une certaine peur. Il avait l'impression en regardant la houle, que d'un moment où un autre, un monstre allait surgir des eaux pour l'emporter avec lui dans les limbes profondes. Kuro se mit à frissonner. Il ne se sentait pas rassuré du tout. Il n'avait qu'une envie : partir d'ici sur le champs. Mais alors que ses yeux étaient posés sur l'immensité bleue qui s'étendait devant lui, Kuro senti quelque chose attraper sa main. C'était chaud et doux. Il baissa les yeux et découvrit qu'une main avait pris la sienne entremêlant leurs doigts. Ce petit contact, cette petite pression sur sa peau, elle aurait dû le faire frissonner mais au contraire, elle le rassura. Toute sa peur qu'il avait ressentie il y avait quelques instants s'envola et Kuro se senti en sécurité, avec cette main dans la sienne. Il voulut lever les yeux pour voir à qui elle appartenait mais Kuro savait déjà. Il voyait virevolter dans les airs une longue chevelure rousse. La fille de tout à l'heure...Kuro allait enfin voir son visage. Il leva petit à petit la tête découvrant lentement son visage mais soudain, Kuro ouvrit les yeux, sortant de son rêve. Alors que ses yeux s’accoutumaient à l'obscurité de la pièce, ils se posèrent sur la première chose qu'il avait devant lui, le visage endormi de Louna. Ses pupilles s'habituèrent de plus en plus à la pénombre et Kuro finit par le voir nettement, le doux visage de Louna. Elle semblait à la fois reposée et heureuse. Et Kuro le vit. Il le vit sur ce visage....le tendre sourire de la jeune fille inconnue. Celle qui le rassurait, celle qui savait faire disparaître sa peur c'était...

-...Louna.

Kuro ne quittait pas son regard du visage de Louna. Il ne pouvait détacher ses yeux de ce petit sourire sur ses lèvres. Il avait quelque chose d'attirant et de mystérieux, comme dans son rêve. Après tout, Kuro ne connaissait pas vraiment le sourire. La seule fois où il souriait c'était sous l'emprise d'Oscar. Sinon il ne savait même pas comment il fallait s'y prendre, quel était le mouvement qu'il fallait faire pour créer le sourire. Il ne connaissait ni le geste, ni la sensation. Et pourtant il avait sourit une fois. Lorsqu'il avait gagné pour la première fois contre Teddy. Mais maintenant il ne se souvenait plus comment il avait fait. Il lui avait semblé que c'était venu presque...naturellement. Cela pouvait être idiot de dire naturellement vu que le sourire n'était pas dans sa nature. Mais peut-être qu'au fond de lui il existait. Ou plutôt qu'il subsistait, de sa vie passée et qu'un jour il se libérerait de ses chaînes. Oui un jour peut-être. Avant Kuro n'aurait jamais cru cela possible mais maintenant qu'il avait Louna à ses côtés, Kuro avait l'impression que c'était plus qu'une possibilité. C'est vrai, il n'aurait jamais cru un jour pouvoir toucher quelqu'un et pourtant, en cet instant il se trouvait dans les bras de Louna. Maintenant, plus rien n'était impossible. Alors que Kuro était plongé dans ces belles pensées, il senti alors Louna trembler légèrement. Il remarqua alors que son sourire avait disparu et qu'au contraire son visage semblait maintenant crispé. Kuro compris vite que Louna ne devait pas faire des rêves tout roses. Il sentait sa peur, il sentait son corps frissonner et soudain elle se mit à hurler de toutes ses forces. Son cri déchira le silence de la pièce, et rendit l'ambiance glaciale. Louna plaqua ses mains sur les côtés de sa tête et se mit à pleurer. Ses larmes coulaient à flots et roulaient sur ses joues. Kuro restait sous le choc. Tout c'était passé si vite. En à peines quelques instants, Louna était passée de son tendre sourire à cette crise de panique. Il n'avait jamais entendu la voix de Louna ainsi. Ce cri, si fort, si déchiré par la peur. Ce n'était pas ce qui devait sortir de ses lèvres, ce ne devait pas être ce son horrible, mais sa douce voix qui chante comme une mélodie joyeuse. Kuro se détacha de Louna et se mit devant elle. Il remarqua qu'elle n'avait pas ouvert les yeux. Pourquoi ? Si ce dont elle avait peur, venait de son rêve, de sa tête, de son imagination, il fallait au contraire qu'elle ouvre les yeux et qu'elle regarde le monde, la réalité. Il fallait qu'elle se rende compte que tout ce qui lui faisait peur n'était qu'une illusion. Il fallait qu'elle voie la vérité. Kuro savait ce qu'était qu'un mauvais rêve et il savait que le meilleur moyen d'en sortir c'était de se réveiller. Il fallait que ces paupières se soulèvent. Kuro resta planté un instant assis devant Louna en larme, hésitant. Il ne savait pas réconforter, il ne savait pas rassurer. Louna l'avait fait pour lui, aussi bien consciemment qu'inconsciemment. Mais lui il ne s'en sentait pas capable. Pourtant, il trouvait cela affreusement inégal. Pourquoi lui aurait-il le droit d'être rassuré et pas Louna ? Kuro pensait qu'il fallait toujours faire des échanges équivalents. C'était une loi, c'était logique. Et pourtant ce ne fut pas la logique qui leva ses mains vers le visage de Louna pour essuyer ses larmes. Ce ne fut pas la logique qui le fit se rapprocher de Louna, ce ne fut pas la logique qui lui fit dégager les mains de Louna de ses tempes et ce ne fut pas non plus la logique qui le poussa à la prendre dans ses bras et à lui murmurer

-...Tout va bien...peu importe ce que tu as vu...ce n'était..qu'un rêve.

Kuro était assis, tenant Louna dans ses bras. Il ne savait pas ce qui l'avait poussé à faire ça mais la seule chose qu'il savait c'est que ce n'était pas une quelconque loi, ou une quelconque logique dans le but d'être équitable. C'était quelque chose d'autre qui lui avait dicté comment faire, quelque chose qui sommeillait encore en lui et dont il n'avait pas entièrement conscience. Maintenant qu'il y réfléchissait Kuro se rendit compte que ce n'était peut-être pas une bonne idée de l'avoir prise ainsi dans les bras. Kuro était froid et il n'y avait sans doute rien de rassurant là-dedans. Qui a déjà été rassuré par de la glace ? Ce qui rassure, ce qui réchauffe, c'est un bon feu. Mais Kuro avait passé des heures dans les bras de Louna et elle lui avait transmis sa chaleur. Kuro finit par se rendre compte que sa peau était plus chaude qu'à l'accoutumée. Il remarqua également que la respiration de Louna qui s'était affolée il y a quelques instants s'était calmée. Maintenant l'air se dégageait normalement de ses poumons, comme si rien ne s'était passé. Il senti les bras de Louna se décrisper et soudain elle vint les enrouler doucement autour de son cou, calant sa tête dans le creux de son épaule. Kuro sentait ses souffles d'air dans son cou, et sa chaleur se dégager de là où elle avait posé sa tête. Les larmes qui avaient continué de couler mouillaient un peu son pyjama, et Kuro sentait ses longs cheveux roux caresser sa joue. En cet instant il ne savait plus quoi faire. Son corps trembla un peu et Kuro eut peur qu'il la rejette à nouveau, mais il n'eut besoin de maitriser les tremblements car ils disparaissèrent bien vite. Mais là, maintenant qu'est-ce qu'il était censé faire ? Apparemment son geste avait eu l'effet escompté, enfin en tout cas c'était plutôt bénéfique car Louna avait repris une respiration normale et ses tremblements avaient pur le moins cesser. Louna releva la tête et Kuro croisa son regard. Elle avait enfin ouvert les yeux. Maintenant elle devait se rendre compte que tout ce qu'elle avait pu voir n'était pas réel. Elle avait encore les joues mouillées de larmes mais celles-ci avaient cessé de couler et ses yeux étaient encore un peu rouges et gonflés. Cependant ses lèvres s'étirèrent en un grand sourire. Louna le regardait dans les yeux et elle semblait soudain heureuse. Elle essuya les rares larmes qui restaient sur ses joues et sans que Kuro ai put faire quoi que ce soit, elle se blottit à nouveau contre lui, le serrant bien plus fort qu'elle ne l'avait serré jusqu'à présent. Kuro sentait ses bras se refermer dans son dos, contournant ses épaules et son cou, et Louna qui était à nouveau si proche. Il la sentait tout contre lui et Kuro resta immobile, comme si la situation le dépassait. Kuro senti alors une petite pression sur sa joue. Louna avait déposé ses lèvres quelques secondes sur sa peau et Kuro sentait le frisson parcourir son corps, partant du lieu de contact et devallant en lui. Oui, en fait la situation le dépassait vraiment. Mais Kuro ne fit rien, à vrai dire il ne savait pas quoi faire de toute façon. Ses bras s'étaient un peu abaissés mais ils restaient autour de Louna. Il sentait sa chaleur et pour une fois, la sienne également, ces deux chaleurs les enveloppaient. Kuro eu alors un déclic et sa voix s'éleva dans les airs sans qu'il n'y eut vraiment pensé.

-...Est-ce que...tout va bien ? Est-ce que...ça va mieux ?

Louna plongea son regard dans le sien. Pendant un instant ce fut comme si le temps s'était arrêté. Tous les deux semblèrent se perdre dans la contemplation de l'autre. Kuro ne se lassait jamais du bleu profond des pupilles de Louna. Ses yeux étaient si beaux...pas comme les siens. Mais pourtant elle, elle les regardait. C'est vrai, maintenant Kuro s'en rendait compte, en le dévisageant ainsi elle regardait ses pupilles rouge sang, ses pupilles si effrayantes. N'avait-elle pas peur ? N'était-elle pas dégoutée par ce rouge qui rappelle tant le sang...pourtant Louna rougit. Oui, elle rougissait. Kuro ne comprenait pas encore totalement la signification de ces rougeurs mais il se sentit étrange. Il savait que cela pouvait représenter un certain mal à l'aise mais ça n'avait pas l'air d'être le cas de Louna. Elle le regardait de ses yeux bleus en souriant, ses joues roses. Devant ce spectacle Kuro ne savait quoi penser. Il resta immobile ne pouvant détacher son regard de Louna et de ses yeux. Soudain Louna hocha la tête. Kuro avait complètement oublié qu'il lui avait posé une question. Elle avait mis tellement de temps à répondre et il s'était tellement perdu dans ses yeux. Il prit un petit temps à revenir à la réalité. Alors elle allait bien...tant mieux. Kuro préférait cela. Il préférait la voir sourire plutôt que de l'entendre crier comme tout à l'heure. Kuro frissonna. Non, il ne voulait plus jamais entendre ce cri. Louna s'éloigna un peu de Kuro et elle vint caresser doucement sa joue. Kuro eu un grand frisson. Il senti sa main se soulever par réflexe pour intercepter celle de Louna, mais au dernier moment il la contrôla. Cette caresse....il ne comprenait pas. Kuro se sentait de plus en plus désemparé. Louna se leva et prit son bloc-notes. Elle devait avoir quelque chose à lui dire. Kuro la regarda mais à sa grande surprise elle ne s'assit pas en face de lui mais vint à nouveau se blottir... contre lui. Louna s'installa confortablement dans ses bras et Kuro ne put faire quoi que ce soit. Il ne s'en sentait ni capable, et n'en avait ni envie. Après tout elle pouvait faire ce qu'elle voulait, c'était elle qui lui avait permis de ne pas rejeter son contact. Pouvoir garder ainsi quelqu'un dans ses bras, c'était une grande avancée. Il ne devait pas baisser les bras et l'accepter. Louna commença à écrire et Kuro lu au fur et à mesure. Elle lui raconta ses rêves et Kuro fut surpris de voir qu'elle avait rêvé de lui. A vrai dire, lui aussi avait rêvé d'elle, mais elle, elle l'avait vu dans sa chambre lorsqu'il était petit et mort sur le sol. Kuro s'y connaissait un peu en psychologie sur les rêves, il avait fait des recherches par rapport à sa propre expérience, aussi il ne fut pas surpris lorsqu'elle lui expliqua qu'elle l'avait assimilé au meurtre de ses parents et qu'elle s'était sentie coupable de sa mort. Alors c'était ça...Louna avait vraiment peur. Mais elle n'avait pas peur de mourir elle, mais de le voir mourir lui ? Lui aussi ne voulait pas qu'elle meure, il ne voulait pas l'entrainer dans cette histoire qui ne la concernait pas mais elle avait accepté. Il ne voulait pas se sentir coupable de sa mort autant qu'elle ne voulait pas se sentir coupable de la sienne. Et pourtant Kuro le savait bien. Il n'y avait qu'un seul coupable dans cette histoire. Et ce coupable c'était lui. Kuro sentit Louna frissonner et se blottir contre lui. Les pensées de Kuro se bousculèrent et instinctivement il resserra ses bras autour de Louna. Il la regarda mais de ses yeux rouges et froids et lui dit doucement.

- Mais maintenant tu as ouvert les yeux. Et tu vois, je suis vivant et tu es vivante. Pour l'instant il n'y a aucune raison d'avoir peur. Et tu ne seras jamais coupable de quoi que ce soit.

Kuro la regarda puis tourna les yeux pour regarder au loin le réveil sur sa table de nuit. Il n'était pas encore minuit mais il se faisait tard. Kuro savait à quel point le sommeil était important. Un corps fatigué était un corps fragile et facilement...manipulable.

-...Tu dois être fatiguée...il vaut mieux que tu ailles te coucher. C'est moi qui t'ai obligé à rester mais...il vaut mieux que tu dormes. Tu as vécu suffisamment de choses éprouvante, ton corps a besoin de sommeil.

Louna acquiesça et se détacha doucement de lui pour se lever. Elle se dirigea vers ses affaires et rangea son bloc-notes, elle prit ses sacs dans ses mains et revint vers lui. Kuro vit son visage s'approcher tout près du sien. Il recula un peu mais Louna vint frotter son nez contre le sien. Elle avait déjà fait cela une fois et Kuro se souvint de ce petit contact si chaud et si doux. C'était étrange mais maintenant il semblait presque s'y habituer, comme s'il lui était devenu familier. Ce contact ne ressemblait qu'à Louna, il n'y avait qu'elle pour faire ça. C'était sa signature, son moyen de lui dire "au revoir". Et en quelque sorte, cela plaisait à Kuro. Oui, il pouvait le dire maintenant...il aimait bien. Louna s'éloigna, ses cheveux virevoltant derrière elle, son doux sourire aux lèvres, et elle disparut soudainement derrière la porte, comme dans son rêve. Dans ces moments, Louna semblait être une apparition, et maintenant qu'elle s'était envolée, Kuro se sentait bien seul dans cette pièce noire. Il resta un moment à fixer la porte de sa chambre, comme si Louna allait revenir d'un moment à l'autre. Mais Kuro savait très bien qu'elle ne reviendrait pas. Elle était partie dormir et lui aussi devait aller se reposer. Il tourna la tête et se leva pour se diriger vers son lit. Alors qu'il allait soulever sa couette, il vit quelque chose glisser et son regard se posa sur la banderole qui trainait encore sur son lit. Il la prit délicatement entre ses doigts et la déroula une dernière fois pour lire ce qu'avait écrit Louna. Il observa longuement les lettres bien formées. Louna avait dû prendre beaucoup de temps pour la faire. Elle s'était donné du mal, cela se voyait. Tant d'effort...juste pour lui... Kuro replia la banderole et la posa sur sa table de nuit à côté de la petite boîte de friandises et de ses livres. Kuro se glissa sous ses draps, et jeta un dernier regard sur sa table de nuit. En haut de sa pile de livres, trônait son nouvel ouvrage sur la mythologie Grecque. Tous ses cadeaux étaient là, sous ses yeux. Il se remémorait cette journée. Elle avait été si fade et si habituelle, ressemblant à toutes les autres. Mais tout avait changé lorsque Louna avait passé le pas de sa porte. En un geste, en un instant, cette journée était devenue...unique. Louna lui avait offert le plus bel anniversaire qu'il n'avait jamais eu, depuis si longtemps. Ils avaient certes dû affronter des choses horribles. Kuro voyait la peluche qui gisait sur ses couvertures au loin. Teddy, Louna qui avait failli mourir, et lui qui s'était entaillé le bras. Kuro regarda la plaie que Louna avait recousue et qui lui faisait encore un peu mal. Oui, ils avaient vécu des choses qui n'auraient dû se passer, mais ce jour restait, son plus bel anniversaire, depuis sa renaissance, et peut-être même depuis toujours. Kuro senti ses paupières le picoter. Il leva les yeux à nouveau vers son réveil. Encore une minute et il serait minuit. Encore une minute et on passerait à un autre jour. Encore une minute et aujourd'hui ne serai plus aujourd'hui, ce jour ne serai plus celui de son anniversaire. Kuro regarda les secondes défiler et fit le décompte. Lorsque la dernière seconde arriva Kuro souffla un dernier mot.

-...Merci...

Dans son esprit il voyait le doux sourire de Louna, elle lui tendait son cadeau, elle chantait "Joyeux anniversaire" à pleine voix, sa douce voix... Kuro ferma les yeux alors que son réveil affichait 00h00. Il pourrait la remercier indéfiniment pour ce qu'elle avait fait aujourd'hui et Kuro se promit de faire également un jour quelque chose...pour elle. Maintenant il s'en rendait compte. Ce n'était pas que son combat à lui, mais aussi son combat à elle. Elle se battait aussi pour récupérer quelque chose...pour récupérer sa voix. Alors c'était ça. Toutes les pensées dans son esprit semblèrent s'éclaircir. Lui aussi pouvait faire quelque chose pour elle. Il l'aiderai à retrouver la parole.

Une semaine après son anniversaire, Kuro avait repris sa vie normale. Il suivait les heures de cours et pendant ses temps libre il trainait entre la bibliothèque et les couloirs à la recherche d'un coin tranquille pour lire. Oui tout était redevenu le plus normal du monde et pourtant, malgré son air toujours froid, sa distance habituelle et sa mauvaise humeur quotidienne, Kuro sentait que quelque chose avait changé au fond de lui. Même s'il restait insociable, même s'il ne supportait toujours pas que les autres s'approchent de lui, Kuro savait qu'il y avait une personne, au moins une, qui avait réussi à surpasser sa répulsion. Il y avait au moins une personne qu'il pouvait prendre dans ses bras. Malgré lui, Kuro repensait régulièrement à ces câlins qu'ils avaient échangé lui et Louna. Dans chaque livre qu'il lisait, il avait l'impression de revoir cette scène. Une simple allusion, un mot comme "chevalier" "princesse" "combat" "chaleur" "larmes" "cri" "soleil" "lumière".... Tant de termes lui rappelaient ce jour si particulier. Alors parfois il se remémorait chaque évènement qui s'étaient produit, et il réfléchissait, tirait des conclusions, cherchait des solutions aux problèmes qui s'étaient posés. Mais au fond Kuro sentait bien qu'à chaque fois qu'il y repensait, un petit rayon de soleil brillait dans ses ténèbres. Et pourtant Kuro restait impassible. Son corps ne montrait aucun changement à l'extérieur. Tout le monde le voyait pareil, et de toute façon personne ne pourrait rien remarquer. Ce changement était si profond, il était presque invisible. Mais il était là.
Kuro avait donc passé une journée comme les autres et le soir venu après avoir difficilement mangé, il prit le chemin de sa chambre, livre en main. Vous vous demandez certainement si ce livre est celui du cadeau de Louna, mais ce n'est pas le cas. Le livre de Louna, Kuro le garde précieusement sur sa table de nuit et chaque soir avant de se coucher, il lit une page. Kuro avait remarqué que le livre comptait plus de trois cents pages. Il avait alors eu l'idée, pour le faire durer, d'en lire une chaque fois avant de dormir. Ainsi lorsqu'il arriverait au terme de ce livre, presque un an se serait écoulé, et peut-être qu'il aurait la chance de revivre un anniversaire, comme celui que Louna lui avait offert. C'était son petit espoir. Un jour lumineux dans sa vie si sombre. Kuro arriva à son dortoir et entra donc dans sa chambre. Il posa son sac près de son armoire et ouvrit un tiroir pour prendre son pyjama. Il regarda la tâche délavée sur sa manche. Comme il l'avait prévu, il n'avait pas réussi à faire partir la trace de son sang. Maintenant le rouge avait pris une teinte étrange qu'il n'aurait su décrire. Mais il n'avait pas le choix et comme chaque soir il se préparait à enfiler cet habit qui lui rappelait d'une manière horrible le danger qui pesait sur lui et Louna. Il soupira et alla près de son lit pour poser Teddy avant d'aller dans la salle de bain. Mais lorsqu'il arriva tout près, il remarqua qu'il y avait quelque chose posé sur les draps. Il ne l'avait pas vu en rentrant et pourtant c'était un gros paquet fait de rouge et de noir. Kuro ne mit que quelques secondes avant de comprendre ce que c'était. Il l'avait reconnu tout de suite. Un cadeau...de Louna. Il posa Teddy sur le lit et prit délicatement le paquet entre ses mains. Pourquoi un cadeau aujourd'hui ? Ce n'était pas son anniversaire. Fallait-il qu'il l'ouvre maintenant ? Ou fallait-il qu'il attende...qu'elle soit là ? Kuro réfléchit. Si elle avait voulu être là lorsqu'il l'aurait ouvert, elle lui aurait certainement donné en mains propres. Mais là, c'était étrange la manière dont elle s'y était prise. Kuro tournait et retournait la question dans sa tête, mais finalement il finit par se convaincre de l'ouvrir maintenant. Il essaya de faire comme Louna le lui avait appris et déchira avec précaution le papier. Finalement il sortit quelque chose, en tissu écru. Il le déroula et découvrit un haut et un pantalon. Un ...pyjama ? Non, ce pyjama avait quelque chose de spécial. Kuro l'observa et remarqua le dessin d'un chevalier sur le haut et des motifs chevalier et princesse sur le bas. Il resta un instant à le contempler. Louna. Elle lui avait acheté ce pyjama ? Kuro jeta un œil sur son autre pyjama aux motifs oursons puis regarda à nouveau celui-là. Il senti un étrange sentiment l'envahir et un petit soupir s'échappa de ses lèvres. Mais ce soupir était différent de tous ses autres soupirs. Celui-là il avait quelque chose en plus. Il flottait dans l'air avec un petit amusement. Oui, ce cadeau amusait Kuro. Même s'il ne comprenait pas bien ce qu'il ressentait. Et même si aucun sourire ne se forma sur ses lèvres, il sentait en lui quelque chose sautiller doucement. Ce cadeau, il ne ressemblait qu'à Louna. Seule sa princesse au doux sourire pouvait lui faire un tel présent...elle ne lui offrait pas seulement quelque chose de matériel. Ces cadeaux avaient une âme. Il dégageaient tous quelque chose, comme ce qu'il se dégageait de l'aura de Louna. Et c'était ça, qui réveillait en lui, ses sentiments. C'était ces petites choses qui lui ressemblait tant, ces petites choses qui faisait que c'était elle et personne d'autre... qui brisaient ses chaînes.


Depuis ce jour, Kuro porta désormais le pyjama chevalier de Louna et laissa son ancien pyjama plié au fond d'un tiroir, le laissant loin des regards, presque dans l'oubli. Il avait trouvé un nouveau moyen de se rappeler cet anniversaire mais, d'une manière plus... douce. Une manière qui ressemblait à sa princesse.